C’est une belle journée de mars, le soleil brille et le ciel est bleu. Je suis sur les routes de Belgique, direction Presles, un petit village à quelques kilomètres de Charleroi. J’ai rendez-vous avec Michel Salandini, propriétaire du showroom MIJ Guitars.
Rencontre avec un passionné
Michel m’accueille devant chez lui et m’invite à le suivre pour découvrir son antre. L’endroit est cosy, les murs sont couverts de guitares et une douzaine d’amplis s’amoncellent dans un coin. Une pièce où tout guitariste se sent immédiatement bien.
Nous nous installons et commençons à discuter. Le propriétaire est un passionné et cela se ressent immédiatement. Ce showroom, c’est avant tout l’envie de faire quelque chose qu’il aime et qu’il connaît : “ À partir du moment où on veut vendre quelque chose, il faut connaître son produit et il faut l’aimer […] et je voulais faire quelque chose que j’aimais ”. Guitariste depuis de nombreuses années, amoureux du jazz et du blues, c’est presque naturellement que le projet germe dans l’esprit de Michel. Il me confie en plaisantant : “ Je me suis retrouvé à un moment de ma vie où j’avais de l’argent. Plutôt que d’acheter une Porsche, pourquoi ne pas vendre des guitares ? “.
Mais pas n’importe lesquelles ! L’idée est de proposer des produits qu’on ne trouve pas ou très peu sur le marché européen, d’offrir quelque chose de différent. Et ça tombe bien car Michel entretient un lien particulier avec le Japon : “ Mon épouse étant japonaise, c’est un pays que je connais bien, j’y ai des contacts dans la musique “. De fil en aiguille, voyages après voyages, Michel rencontre des fabricants, des distributeurs, des artistes et c’est ainsi que naît MIJ Guitars.
Des marques qui sortent des sentiers battus
Le Japon et les guitares, c’est une histoire de longue date. Le pays jouit d’une excellente réputation en matière de lutherie grâce à la qualité des ses réalisations, une constance dans la production ainsi que des finitions souvent excellentes. Et c’est justement ce que Michel recherche. Mais il me rappelle aussi qu’il y a un parfois un certain flou pour savoir où sont vraiment fabriqués les instruments, puisque même s’il existe de nombreuses marques, la production est concentrée sur quelques sites : “ il y a 3 ou 4 usines majeures au Japon, les plus connues étant Terada et Fujigen ”. Chacune a ses spécificités. Terada, par exemple, est réputée comme étant la meilleure pour les archtop.
Mais on trouve aussi des usines plus petites qui ont une production plus réduite, souvent très qualitative. C’est le cas par exemple pour PGM, qui fabriquent les guitares du même nom, les Van Zandt et les Moon. Ces fabricants, qui font souvent des copies de Fender ou Gibson, restent assez confidentiels au Japon et encore plus en dehors. Cela s’explique en partie d’un point de vue légal : “ Les copies japonaises de Gibson avec des têtes Gibson ou de Fender avec des têtes Fender, en principe, ça ne peut pas sortir du Japon, car la plupart des marques ne payent pas la licence d’exploitation “.

De fil en aiguille, voyages après voyages, Michel rencontre des fabricants et des distributeurs sur place, ce qui lui permet de visiter les ateliers, d’essayer les guitares et de choisir soigneusement les marques avec lesquelles il veut travailler. “ Je suis tombé sur Taurus Corporation parce que je voulais distribuer Van Zandt en Europe. C’est comme ça que j’ai découvert les Kingsnake, les RS Guitarworks et les Yamaoka “, marques que vous trouverez toutes au showroom.
L’idée de Kingsnake est simple : proposer des hollow body qui s’inspirent très clairement des modèles phares américains des années 50/60 tout en palliant à certains de leurs points négatifs. “ C’est un peu comme pouvoir remonter le temps et acheter une guitare neuve de cette époque sans ses défauts “. La conception et la réalisation sont effectuées à Terada par la même équipe qui conçoit les Gretsch. Pour coller au plus près des instruments d’époque, la finition est 100% nitrocellulosique, ce qui n’est pas souvent le cas au final dans cette industrie. “ Les japonais sont les spécialistes du Nitro finish, c’est-à-dire plusieurs couches de vernis polyuréthane et quelques couches de finitions nitro “. Chez Kingsnake, on fait les choses différemment. Après l’application d’un bouche pore à base d’alcool, les guitares reçoivent quelques fines couches de vernie et c’est tout ! Les instruments sont ensuite lustrés mais pas polis car la finition est trop fine pour subir ce procédé (et c’est aussi ainsi qu’elles étaient finies à l’époque). On retrouve le même type de finition chez Van Zandt qui donne cet aspect peau d’orange. Cela a-t-il vraiment une incidence sur le son ? “ Pour une solidbody, je ne pense pas. Mais pour une hollow body ou une acoustique, cela peut jouer, à condition bien sûr que la guitare soit bien construite et avec de bons bois “.

Et concernant les améliorations techniques apportées à ses six cordes, la marque a par exemple développé un système de double bracing parallèle inspiré des acoustiques qui permet de stabiliser la table et de réduire les problèmes de feedback, sans limiter la résonance qu’induit une poutre centrale.
Les guitares Yamaoka sont quant à elles vraiment des instruments uniques, toutes fabriquées à la main par le luthier Norimasa Yamaoka et destinées tout particulièrement aux joueurs de jazz. La lutherie est très haut de gamme et s’inspire notamment des instruments classiques comme le violon.

On retrouve aussi au showroom des marques américaines comme RS Guitarworks. Ce fabricant américain, qui était à la base spécialisé dans la réparation et le refinish, a en parallèle développé une gamme de guitares entièrement personnalisables. On peut tout, ou presque, choisir : bois, profil de manche, frettes, couleur, relicage, micros, etc.
Le dernière trouvaille de Michel est la marque Del Tone qui nous vient des Pays-Bas. “ C’est ce que j’ai trouvé de mieux en rapport qualité/prix. On a des instruments bien finis, bien reliqués et surtout qui sonnent. De plus, ils fabriquent leur corps contrairement à d’autres marques du genre, comme Nash, qui ne font que de l’assemblage “. Le constructeur propose aussi des bois assez peu courants en lutherie, comme l’abachi, qui est très léger et raisonnant. Résultat sur une Telecaster : seulement 2,5 kg sur la balance.
Vous trouverez aussi au showroom les guitares Kauer, Nash, et Stringphonic.
Du côté des amplis
Pour faire sonner toutes ces belles guitares, Michel se devait de proposer des amplis tout aussi qualitatifs. Il commence avec la marque Cornell, fabricant anglais qui fait d’excellentes répliques de Tweed Deluxe et de Plexi, le tout en point par point : “ Le Romany sonne super bien. Je ne comprends pas qu’on en vende pas plus ! “ Pas étonnant qu’on retrouve ces amplis chez Eric Clapton, Alex Turner ou Noel Gallagher.
Après l’Angleterre, Michel va traverser l’Atlantique pour aller dégoter une marque américaine qui fait des amplis d’inspiration fenderienne : Swart. “ Chez Swart il y a une dimension aérienne et éthérée, presque envoûtante, qui je pense provient de leur circuit de reverb et de trémolo “. Les amplis bénéficient aussi d’un look rétro très réussi.

Autre marque US disponible au showroom, Divided by 13, la marque de Fred Taccone, technicien qui a notamment réalisé des amplis custom pour Dave Grohl, Lenny Kravitz, The Edge et beaucoup d’autres. Tous les modèles de Fred sont à la base des conceptions destinées aux professionnels, aucun compromis n’a été fait sur la qualité et la production reste très limitée.
Toujours du côté des US, on retrouve aussi la marque Carr, moins courante et peu distribuée en Europe. Le constructeur américain offre une large gamme d’amplis d’inspiration Vox, Marshall et Fender. Chacun peut y trouver son bonheur. Je n’ai pas eu la chance d’en essayer un lors de ma visite, et pour cause : “ Ils partent à peine arrivés ! Ces amplis sont vraiment excellents ” me confie Michel.

Dernier petit focus sur les amplis Lazy J qui nous viennent d’Angleterre. J’ai pu essayé quelques guitares sur le J10 LC qui est en quelques sortes un tweed deluxe poussé à la perfection. L’ampli est vraiment incroyable, ça sonne peu importe les réglages, la reverb et le trémolo sont à tomber et l’atténuateur d’une efficacité redoutable, le tout dans un format ultra compact. Reste le prix, un peu délirant de 3600€ !
Enfin, Michel va bientôt rentrer une tête de la marque japonaise AKG Sound, qui s’inspire du Dumble de Robben Ford… affaire à suivre !
Le plaisir avant tout
Cela fait maintenant 10 ans que Michel a ouvert son showroom en gardant à l’esprit une ligne directrice : proposer du matériel différent et se faire plaisir. On sent aussi qu’il est attaché à rester totalement libre dans ses choix : “ J’étais en pour parler avec un fabricant d’ampli. Il voulait m’imposer des montants minimum pour les commandes et un quota de ventes par an. J’ai dit non, ça ne m’intéresse pas de travailler comme ça “.
Michel sait aussi qu’ils s’adressent à une certaines niches en proposant ces produits : les marques sont peu connues, haut de gamme (donc chères). La plupart des ses clients sont des musiciens professionnels, venant bien sûr de Belgique mais aussi des Pays-Bas, de France, d’Allemagne et même de plus loin : “ J’ai un client qui est venu d’Italie pour essayer une guitare. Quand les gens sont vraiment intéressés, ils font le déplacement “. Pour les amplis les choses sont différentes, beaucoup sont expédiés : “ C’est plus facile d’acheter sans essayer un ampli, internet regorge de tests qui permettent de se faire une idée. Une guitare, c’est toujours préférable de l’essayer, il y a une question de feeling qui est très importante “.
Pour découvrir les guitares et amplis en stock, n’hésitez pas à visiter le site du showroom !